En tant qu’étudiante dans le domaine de l’animation 3D, par le moyen d’Houdini, un logiciel d’animation 3D, j’ai comme mandat de produire plusieurs petites animations avec le thème de la sympoièse. Puisqu’il est un logiciel de type procédural et programmable, il est donc adéquat pour les travaux comme la simulation ou les animations de type motion graphics. Par le fait même, la recherche-création a permis d'approfondir mes connaissances du logiciel dans un esprit d’essais et d’erreurs sans la pression de plusieurs cours et de délais très serrés.
À défaut d’avoir toutes les connaissances pour parler de sympoièse au moment du contrat, j’ai fait une bonne recherche visuelle sur les comportements entre des éléments sur la plateforme Instagram de motion design et de simulations pour pouvoir m’aider dans ma démarche. La campagne MUTEK 2018 servait de source d’inspiration principale pour le design visuel (https://www.behance.net/gallery/57846809/MUTEK-18). Les affiches étaient minimalistes, aux vives couleurs et comportaient diverses formes géométriques abstraites avec des textures variées. Par contre, en termes de comportements, on m’avait aussi conseillé de regarder les « automates cellulaires ». Pour mieux comprendre, on m’avait montré l’exemple de la fourmi rouge qui se promène d’un carré à l’autre sur un carrelage blanc et qui crée des tuiles noires où elles passent. Dans toutes les références visuelles que je trouvais sur un mot-dièse appelé « cellularautomata » sur Instagram (https://www.instagram.com/_cellular_automata_/) où l’on peut retrouver de nombreuses animations programmées et produites avec le principe des automates cellulaires, j’ai remarqué que les formes génèrent toujours « du même » (Jarry, 2020, 12:15) plutôt que d’évoluer dans différentes directions lors de leur création.
Selon ma compréhension de la sympoiétique à ce moment-là, il était important de mettre de l’avant l’interaction fluide entre les objets pour aller dans le même sens que le symposium. Un événement qui, on se le rappelle, favorise le partage de projets créatifs et l’échange entre les artistes/participants de connaissances. Alors, par des géométries simples, j’ai créé des structures intéressantes faites de façon procédurale qui ont donné les résultats abstraits (voir annexe 2).
Les deux images ont en fait des blocs générés par de l’extrusion aléatoire des faces et celle de gauche a une croissance organique fait par des polygones qui grandissent aléatoirement. L’idée était de pouvoir faire grimper une sorte de substance quelconque ou la faire entrer en collision entre elles.
Le problème avec ces formes, c’est qu’elles n'interagissent pas et par contraintes techniques, j’avais du mal à les produire. Par souci de temps, nous avons travaillé, avec Patil Tchilinguirian, sur la composition et l’apparence du produit final des vidéos plutôt que l’élaboration de son contenu. Il était important de mettre de l’avant de différents matériaux pour chaque structure afin de représenter les variations des textures et montrer l’harmonie des formes entre elles. Nous avons également joué avec les angles de caméras, les couleurs ainsi que la lumière, car ces mêmes détails allaient être mis de l’avant lors de l’évènement en présentiel. Par contre, ce processus est arrivé en même temps que la COVID-19, le projet a donc été mis en hiatus.
Dans la première ébauche pour le stage, j’ai surtout dessiné mes idées. Pour élaborer mon concept visuel, j’ai fait un scénarimage sommaire de ma production en 3D.
J’ai repris le principe de structures générées procéduralement de la première version qui me plaisait beaucoup et je voulais en créer plus. Je prends aussi une direction amusante en incluant un personnage. Gisèle répond à mon interrogation sur la représentation visuelle de la sympoiétique quand elle parle des pieuvres, venant des écrits de Haraway. Elles sont un bon exemple vu les innombrables transformations possibles avec leur corps. Elles réussissent à se fondre parfaitement avec leur environnement grâce à leur peau qui change de propriétés et grâce à leur corps malléable (https://www.youtube.com/watch?v=xmj-vz-TaK0). L’harmonie dont la pieuvre fait preuve avec son environnement, je le vois bien dans une histoire semblable, mais avec un être personnifié que j’appelle « blob ». Alors, dans ma tête, il a l’essence de la vague dans le film de Moana (Clements et Musker, 2016, 5:45). Il a sa propre personnalité et est de nature relativement neutre. Il se promène sur un tas d’objets, retient des attributs et laisse la trace de ses propriétés sur son passage. Je veux mettre de l’avant la distinction entre des textures reconnaissables comme du poil, du sable, de la couleur, du métal pour qu’on observe plus facilement leur fusion et leur transformation.
Pour la deuxième version, je retourne en arrière et me concentre sur le comportement individuel de différentes animations. Au lieu que le blob se déplace dans l’environnement, je veux créer un environnement à partir de différents éléments ayant leur propre nature. De là, on observe comment il collabore entre eux (voir annexe 1, dessins #1 et 2).
J’évolue en même temps que le projet depuis le début. Au début, je commençais tout juste mes apprentissages dans Houdini. Alors, j’ai décidé d’apprendre de nouvelles notions pour le stage, dont la dynamique de volumes (feu, fumée), de liquide et de corps mous (soft bodies). Je veux aussi approfondir les comportements de collision et l’usage des particules notamment pour alléger mes simulations. Dans ma recherche visuelle, je trouve plusieurs références avec ces types de simulation et je trouve que ça représente bien la malléabilité et la fluidité que j’aime de la pieuvre.
J’ai deux types de références qui correspondent le plus à la vision de l’harmonie entre les éléments que je veux montrer. D’une part, j’ai les exemples de simulations qui interagissent avec une structure fixe dans l'environnement. Elle se transforme à la structure et elle évolue en fonction de cela (voir annexe 4, images #2 et 5).
De l’autre côté, ce sont deux simulations qui, souvent, s’entrechoquent et s’entremêlent.
Dans les deux cas, la question est de savoir que vont devenir les formes animées suite à cette friction. J’ai tout de même choisi la première option. Comme la relation symbiotique du poisson-clown et de l’anémone, les deux vivent ensemble en harmonie et bénéficient l’un de l’autre, je veux que mes animations ne soient pas dépendantes l’une de l’autre pour croître et qu’elles continuent de grandir par elles-mêmes. (Prestige Reef, 2019, 0:35).
Comme décision définitive dans le cadre du stage, j’ai décidé d'associer des animations avec un type de simulation différente chacune à une forme basique pour ensuite les mixer. Pour le beigne (voir annexe 4, image #8), je veux faire tourner une sorte de liquide en cercle infini.
Comme j’ai altéré la course des particules, elles finissent par se séparer au fur et à mesure en continuant leur course. Sa trajectoire est affectée ensuite par le cube en croissance (growth).
Pour ajouter à la scène après quelques secondes avec les deux premières animations, j’ai fait aussi des tubes mous qui se balancent un peu comme les branches d’anémones le font.
Avec la rapidité de la première animation, les géométries s’interpénètrent. Par contre, certains tubes réussissent à reconnaître le beigne.
Quant à l’esthétique espérée pour le résultat final, je veux aussi garder les textures explorées avec Patil. Avec les échantillons de bioplastique, je veux faire un clin d’oeil à la vaisselle en bioplastique qui devait être à l’événement physique. Je les ai reproduits procéduralement dans Houdini en me basant sur les échantillons que Patil m’a prêtés.
Le fait d’avoir été introduit à la recherche-création a vraiment permis une ouverture sur le processus créatif d’un projet et la manière de l’aborder. Il s’agit d’un processus d’échange entre les diverses techniques de collectes de données, de la réflexion et de la construction de l’oeuvre en soi, une réminiscence de la sympoïétique, qui, selon moi, rend le progrès plus fluide et permissif. La recherche-création est bien populaire dans les contextes académiques, car il s’avère que l’encadrement et le soutien aident quand on n’est pas familier avec le procédé. J’ai honnêtement eu la chance d’être guidée et soutenue tout au long de mon processus malgré la distanciation sociale. Il n’empêche que malgré la pression des notes, l'exigence d’un résultat est un couteau à double tranchant. Les projets créatifs sont souvent des processus qui demandent temps et patience pour avoir de l’inspiration ou même pour avoir les opportunités d’y travailler. Alors, soit c’est une source de motivation, soit c’est contre-intuitif à la recherche-création. Je crois que la pratique créative est propre à chaque personne et qu’il est difficile de définir quelle est la meilleure solution pour créer, un peu comme la difficulté de définir la sympoïétique. Elle m’aura permis, dans tous les cas, de découvrir un univers inconnu et de me l’approprier en partie dans ma démarche artistique.